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Triste antiaméricanisme (note de lecture très agacée !)

OPINION – Loin de la caricature qu’on en fait parfois, les Français sont souvent capables d’opinions pondérées… Mais il ne semble pas que ce soit le cas quand il s’agit de parler des Etats-Unis d’Amérique. Sur ce sujet il y a, d’une part, les fans inconditionnels comme Guy Sorman et son livre « Made in USA » (2004)… mais ils sont loins d’être majoritaires (et c’est d’ailleurs en cela que le livre de Sorman était courageux, remettant pas mal de choses à leurs places). Et puis de l’autre côté, il y a l’anti-américanisme plus ou moins primaire. Il ne s’agit pas du tout d’un phénomène nouveau, mais il connaît parfois des regains à mesure que la société française rencontre des crises et le besoin de boucs émissaires qui leurs sont inhérentes. Idolâtrie atlantiste et rage raciste anti-américaine peuvent s’avérer tout également fatigantes.

triste-amerique-michel-floquetNéanmoins, quand un livre (« Triste Amérique » Ed. Les Arènes) est annoncé le mois dernier sous la plume de Michel Floquet, directeur adjoint de l’information sur la plus importantes chaîne de télévision française (TF1) après avoir été pendant 5 ans le correspondant de cette chaîne dans la capitale américaine… on se prête à rêver d’avoir droit à un essai critique intéressant sur les Etats-Unis, loin de la caricature. Peine perdue : c’est pire que ce qui fut écrit par le passé.

Après un premier chapitre « inspiré » des travaux de l’économiste Thomas Piketty (qui explique que les 5% d’américains les plus riches captent la moitié des richesses du pays), Michel Floquet enfile les poncifs sur les Etats-Uniens, au point de consacrer 17 pages au fait qu' »ils » ont « génocidé » les « Indiens »* ! Les journalistes français en poste à Washington restent probablement trop souvent assis devant un écran vert sur lequel est projeté par les techniciens de la chaîne la même image trop figée de la Maison-Blanche… Vous vouliez apprendre quelque chose sur l’Amérique d’aujourd’hui ? Passez votre chemin ! Néanmoins, nous recensons tout de même ce livre car il dépasse l’entendement : il est moins modéré que tout ce que Joseph Staline et Fidel Castro ont pu écrire sur les USA !

REVUE DE DETAIL

De façon générale, Michel Floquet capte une règle ubuesque régissant une petite communauté ou une université américaine (les Américains sont très forts en règlements loufoques), et laisse ensuite penser qu’il s’agirait d’une généralité aux Etats-Unis.

Ainsi, entre autres hallucinations (il y en a dans tous les paragraphes) sur les Etats-Unis, il y serait « interdit de parler du réchauffement climatique ». L’auteur oublie, entre autres millions de participants à ce débat, que Bernie Sanders, Hillary Clinton ou Barack Obama (qui n’est autre que le président du pays) en parlent de manière quasi-quotidienne depuis des années.

Mais par delà ces exposés pris par le petit bout de la lorgnette, il est des thèses forts dangereuses dans son livre. Ainsi, page 69 : « Il n’y a dans ce pays guère de volonté de se mélanger à des gens différents. C’est même très largement ressenti comme insupportable. Une des conséquences les plus frappantes en est la rareté des couples mixtes. Si la quasi-totalité des Noirs américains ont plus ou moins du sang blanc, c’est la conséquence des viols de la période esclavagiste. Non d’un métissage actuel. » Avant de se contredire dans la phrase suivant immédiatement : « Dans ce pays où les statistiques ethniques sont autorisées et largement pratiquées, on a une vision à peu près claire des unions mixtes. Elles ont certes plus que doublé entre 1980 et aujourd’hui, passant de 6,7 % à presque 15 %. » Arrivé à ce point de clairvoyance, ce n’est plus un antiamericanisme light, mais ça ressemble à du racisme à l’encontre des Américains. Qu’on en juge : « On a le sentiment que les Américains s’évitent. Jamais de contact visuel par exemple. Et si par hasard vous croisez le regard d’un inconnu, il se sentira obligé de vous dire bonjour pour sortir du profond malaise dans lequel cette situation le plonge. Si quelqu’un vous tient la porte, ce qui est rare, il sera terriblement surpris que vous lui disiez merci et répondra, d’un ton embarrassé, par un « hum hum ». Si une voiture se trouve bloquée sur un passage pour piétons, son conducteur restera les yeux rivés sur son pare-brise, sans un regard pour ceux qui le contournent en faisant semblant, eux aussi, de ne pas le voir… » Et tout le livre est à l’avenant ! C’est ce qu’on peut appeler du journalisme d’investigation : un séjour à Washington entouré de tels psychopathes peut ainsi s’avérer plus dangereux qu’un reportage sur une route entre Bagdad et Damas !

EXURBITE !

Michel Floquet nous apprend encore que les Américains vivent majoritairement dans les « exurbs » (banlieues très éloignées des centres villes). Et que, évidemment, ces exurbs sont un monde terrifiant, consternant, maléfique. Il parle de « ségrégation résidentielle » aux USA, comme n’importe quel journaliste parisien n’ayant jamais passé le boulevard périphérique de sa vie pour aller voir les différences sociales et raciales entre Saint-Denis et la Rive Gauche de la capitale française !

Mais avant d’en arriver aux « exurbs », les Américains sont passés par les universités : « Le monde universitaire est un condensé de la société américaine. Un monde largement déshumanisé régi par les rapports de force et la violence. » Tout est à l’avenant dans son livre qui s’en prend à une société toute entière dès ses premières pages.

L’Amérique est une éternelle adolescente pleine de défauts. Il est toujours intéressant de les noter (ce que fait régulièrement Le Courrier). Mais, décidément, on attend toujours en France un travail équilibré qui puisse en traiter, sans arrières-pensées quasi-religieuses de par leurs caractères sanctifiantes ou excommuniantes. Il semblerait qu’il y ait aussi en France un problème de compréhension des modèles politiques non-étatiques : les défauts des étrangers doivent ainsi forcément être l’œuvre d’un Etat, ou d’un système, en tout cas d’une décision collective, voire d’un complot. Mais jamais la faute à pas-de-chance, jamais la faute à l’expérimentation, en l’occurrence celle d’une (jeune) liberté que les Américains aiment à faire passer avant toute autre chose. En ce, à partir du moment où (pour ces commentateurs français) les « tares américaines » sont inhérentes à ce pays, et concertées, l’Amérique ne peut et ne pourra donc jamais s’en défaire, se réformer. Le reaganisme faisant pour l’auteur partie de ces tares, il est assez surprenant de constater que les reaganiens vont en 2016 de nouveau perdre l’élection présidentielle, et ce pour la 3ème fois d’affilée. Les succès de Bernie Sanders sont de toute évidence anti-capitalistes, ceux d’Hillary Clinton sont réformistes, et et ceux de Donald Trump incarnent des réflexes protectionnistes très opposés au reaganisme. Comme quoi… l’Amérique peut encore surprendre !

L’auteur aurait pu au moins se demander pourquoi les Etats-Unis constituent toujours le pays le plus attractif de la planète ; un pays où des centaines de millions d’étrangers souhaitent s’installer, et que très peu de personnes désirent quitter. Et Michel Floquet aurait pu aussi, au passage, comparer avec l’émigration française, de plus en plus nombreuse… et qui choisit très souvent de venir s’installer aux Etats-Unis. Nulle société n’étant parfaite, mieux vaut éviter les raccourcis et les diabolisations.

D’ailleurs, le politiquement correct étant bien plus installé en France qu’aux Etats-Unis, la liberté d’expression y est très « encadrée » par les lois, notamment celles qui interdisent la parole raciste et l’exclusion. Alors, apparemment, quand un sujet du genre est toléré (en l’occurrence à l’encontre des Américains), certains ne se gênent pas pour mettre le paquet.

Gwendal GAUTHIER

* Plus de 90% des Indiens morts durant la colonisation l’ont été en raison de virus importés de manière involontaire sur leur continent par des Européens qui n’avaient rien « d’Américains » (puisque les Etats-Unis n’existaient pas) : ils étaient Anglais, Espagnols etc… Et comme les épidémies ne rentrent pas dans la définition du mot « génocide »…

De manière plus anecdotique, les chercheurs travaillent aussi sur la « dépression » des amérindiens ayant suivi leur rencontre avec les colons Européens qui leur semblaient souvent supérieurs (militairement, religieusement…), ce qui pour certains peuples aurait « invalidé » leurs croyances passées et les auraient plongé dans une sorte de « suicide sociétal ». Mais cet aspect est de toute façon marginal par rapport à la réalité : celle des virus importés d’Europe. Bien évidemment, des massacres ont souvent été commis par les Européens en Amérique, mais renvoyer les Etats-Uniens d’aujourd’hui à cet « acte fondateur », c’est une peu comme si les Américains rappelaient constamment aux Français que leur pays a été fondé par les massacres des Francs Saliens de Clovis.

Notons aussi (à propos du « génocide ») qu’aujourd’hui aux Etats-Unis il y a deux fois plus d’Amérindiens qu’il y a un siècle. Comme quoi, quand vous rencontrerez dans la rue des adolescents nommés John Smith ou Jessica Parker, évitez de leur dire qu’ils ont commis un « génocide » !

 

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10 commentaires

  1. Ce Michel Floquet semble être la caricature d’un journaliste français expatrié aux Etats-Unis, scotché 24h/24 à CNN et son fil AFP. Il vit dans une bulle, bien plus isolé que ses confrères américains de Washington ou de New York, à qui les américains reprochent pourtant leur égocentrisme. Il croise un voisin de palier froid ou malpoli et en tire un portrait de l’Amérique. Qu’un Français aussi peu ouvert d’esprit ait passé cinq ans à l’étranger m’est incompréhensible. Il a des auditeurs réceptifs en France, où on aime parler de l’Amérique qui va mal. Sur les plateaux télé ou radio de France, les stars américaines en promotion, chanteurs, acteurs, écrivains, sont invitées à commenter ce qui ne va pas en Amérique. Les rédactions des journaux et télé français semblent très souvent privilégier les articles et reportages négatifs dès qu’il s’agit de parler des Etats-Unis. Le titre de ce livre, racoleur, en est un parfait exemple!

    PS: Le seul reproche que je ferais à votre article, c’est l’emploi du terme « Etats-Uniens », qui a une connotation militante anti-américaine..

    1. Pour l’emploi du terme « Etats-Uniens » ce n’est bien entendu pas de ma part à connotation péjorative. C’est juste pour éviter de répéter trop souvent les mêmes termes !

  2. Je n’ai pas lu ce livre. Si les citations sont correctes, il est en effet plein d’inexactitudes fantaisistes – par exemple, c’est bien vrai que les couples mixtes sont tres nombreux, ou encore que le contact visuel est primordial dans le quotidien, bien plus qu’en France. Le cote jovial et spontanement amical des americains, regard a l’appui, est d’ailleurs un des aspects les plus agreables de la vie americaine. On se demande vraiment sur quelle planete l’auteur s’est promene pour tirer de telles conclusions.
    Toutefois, il est historiquement correct de parler de genocide commis a l’egard des Natifs Americains. Des virus ont decime des communautes accidentellement, c’est vrai. Mais au cours des siecles, et une fois l’etablissement des USA acquis, il y a bien eu une volonte de ce nouveau pays de se debarrasser des Indiens, via massacres, campagnes encourageant les meurtres d’Indiens avec recompenses, et fournitures de couvertures infectees de « small pox », notamment aux tribus Apaches en Arizona. Les historiens le savent bien, et c’est une realite historique que ce pays essaie de confronter, notamment en denoncant, comme le font de plus en plus de ‘denominations’ chretiennes le mythe de la « manifest destiny ».

    1. Il y a débat sur la volonté de génocide. Néanmoins si on devait renvoyer les Français du XXème siècle aux massacres des Franc-Saliens de Clovis…. Chacun son acte fondateur….

  3. Sans vouloir donner des leçons d’humanisme, il y a tout de même des limites à totalement désincarner un peuple tout entier, à faire abstraction des personnes qui le composent, à en faire simplement un concept néfaste. On entend ce genre de propos – et on l’entendra toujours – dans certains bistros, mais de là à ce que ce soit imprimé et signé par un chef de l’info d’une grande chaîne de télé… Les livres sur « les peuples malfaisants » sont tout de même assez rares depuis 70 ans !

  4. Pas surpris par la critique de ce livre de qui reflète assez bien mon opinion sur ces correspondants français à l’étranger. Pour en avoir fréquenté d’assez près durant mes quelques années passées à Washington lors de soirées impromptues quasi hebdomadaires dans le milieu consulaire (j’étais coopérant rattaché à l’Ambassade de France), je peux témoigner de leur arrogance et manque d’intérêt complet pour l’endroit ou ils résident. Ils vivent dans un microcosme franco-français centré autour de l’Ambassade et sont ainsi incapables de porter un regard objectif sur les événements qu’ils sont censés rapporter. La plus part a un niveau d’anglais (parlé et compréhension) qui ne dépasse pas la Terminale française (et encore) donc leur seule interaction avec le vrai monde autour d’eux est limité à faire répéter 5 fois de façon humiliante le mot « croissant » à la pauvre mère de famille américaine devant eux à la boulangerie qui voulait des « kwoissant » pour ses enfants. Vécu. sic.

    1. Tout a fait d’accord avec Stephane! Il y a un « snobisme » d’anti-americanisme primaire dans ce milieu-la. Heureusement cela disparait progressivement avec le nombre d’annee de residence!

  5. Encore un « touriste » qui n’est jamais beaucoup sorti des cocktails d’ambassades et des parties de Bethesda. Il du pomper sérieusement pour avoir une vision aussi déformée!!!…
    Qu’est ce qu’on ne ferait pas pour se faire bien voir de certains milieux parisiens…
    Je n’ai passé que vingt sept ans en Amérique du Nord (dont cing à Ottawa et sept à Washington…). J’habite maintenant dans ce qu’il appelle un exburb de New York!!!
    Je ne reconnais pas le pays qu’il décrit.

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