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HÉLÈNE CONWAY-MOURET : “Il n’y a pas d’exode ; mais des Français qui reviendont riches de leurs expériences”

Hélène Conway-Mouret
Hélène CONWAY-MOURET (photo officielle)

LE COURRIER DE FLORIDE : Madame la Ministre, vous venez le 1er novembre participer aux French Weeks de Miami, et le renforcement de la présence économique française aux USA est au cœur de votre visite. Quelles sont vos priorités ?

 
Hélène CONWAY-MOURET : Les French Weeks de Miami offrent l’opportunité de présenter un volet majeur de l’action du ministère des Affaires étrangères : la diplomatie économique. Il s’agit de soutenir les entreprises dans leur développement et la conquête de nouveaux marchés, promouvoir la France auprès des investisseurs étrangers et prioriser nos intérêts économiques dans les négociations internationales.  Ces objectifs traduisent une réorientation profonde de notre action extérieure.  Sous l’impulsion du Ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, la France entend être plus volontariste, plus réactive et plus pragmatique.  Nous avons créé des Conseils économiques qui rassemblent des acteurs publics et privés. C’est le cas aux États-Unis.  Tous les services de l’Etat sont pleinement mobilisés.  Nos compatriotes expatriés délimitent aujourd’hui les nouvelles frontières de la France. C’est pourquoi, nous avons le devoir de les accompagner et de soutenir nos entreprises dans leur développement international. Nous pouvons désormais, au-delà des secteurs traditionnellement soutenus — la défense, l’aéronautique, le nucléaire civil, les transports — mener une action d’accompagnement de nouveaux secteurs stratégiques comme les énergies renouvelables, les biotechnologies, l’agroalimentaire, la santé ou le tourisme. Derrière chacune des entreprises gagnant des parts de marché, ce sont des milliers de sous-traitants, d’équipementiers et de fournisseurs qui deviennent des ambassadeurs de nos savoir-faire. Ces entreprises créent aujourd’hui l’essentiel de l’emploi en France, mais aussi à l’étranger.   En Floride, dont la France est le 1er partenaire économique européen, les 450 entreprises installées ici emploient 20 000 personnes. J’en citerai quelques-unes : Bouygues, Airbus, Kéolis, BNP Paribas, Louis Vuitton, Club Med, Barton & Guestier et Community, qui installera prochainement à Miami un parc de vieux carrousels français. A l’échelle des Etats-Unis, ce sont 2 800 entreprises qui emploient plus de 550 000 personnes.
LE C.D.F : En 2014, des conseils consulaires seront élus pour la première fois. Pouvez-vous expliquer leur mission ?
 
H.C-M : Les conseillers consulaires seront élus au suffrage universel direct, en une fois tous les six ans, au scrutin proportionnel.  Il devrait y avoir 4 conseillers consulaires en Floride et 444 dans le monde entier. Ce seront des élus de proximité. Lieux d’écoute, d’information et de participation des citoyens à la prise de décision, ces conseils aideront à mettre en oeuvre les politiques publiques en matière d’enseignement, d’aides sociales,  d’emploi,  de formation professionnelle et de sécurité pour nos compatriotes. Ils pourront aussi contribuer à faciliter l’implantation des entreprises françaises. Parmi ces conseillers, 90 seront désignés pour siéger à l’Assemblée des Français de l’étranger, à Paris. Cette instance demeurera consultative mais elle élira désormais son président.  Je saisis cette occasion pour  rappeler aux Français de Floride qu’ils ont jusqu’au 31 décembre 2013 pour s’inscrire sur les listes électorales, auprès de leur consulat, si ce n’est pas déjà fait pour être certains de voter lors du scrutin du samedi 24 mai prochain.
LE C.D.F : Vous avez supprimé la prise en charge (PEC) qui instituait la gratuité des frais de scolarité pour les enfants d’expatriés. Comment les familles l’ont-elles ressenti ? 
 
H.C-M : Les Français de l’étranger ont compris qu’il s’agissait d’un système inéquitable et financièrement insoutenable. Le principe de la gratuité des frais de scolarité avait déjà été abandonné par le gouvernement précédent puisqu’un plafonnement avait été instauré et que ce système qui avait été promis pour tous les niveaux s’est arrêté à la seconde. Il faut être lucide : la gratuité était une aberration budgétaire et sociale. Il faut rappeler que l’Etat remboursait des frais de scolarité qui étaient fixés librement par des établissements qui en ont parfois profité pour augmenter leurs tarifs aux frais du contribuable. La mesure de prise en charge profitait ainsi à des familles qui n’en n’avaient pas besoin. Cette année, seules 6% des familles qui en bénéficiaient ont finalement été éligibles aux bourses scolaires, dont l’attribution est basée sur des critères objectifs : revenus, charges, taille de la famille pour l’essentiel. J’ai souhaité également réformer les critères d’attribution des bourses pour les rendre plus justes, pour que ceux de nos compatriotes qui en ont vraiment besoins puissent en bénéficier.
LE C.D.F : Le député UMP Frédéric Lefebvre assure depuis plusieurs mois que le gouvernement considère les expatriés comme des riches exilés fiscaux. Il avait aussi écrit en juillet être témoin « d’un véritable exode, trois mille Français arrivent chaque mois à Miami ». Qu’en pensez-vous ? 
 
H.C-M : Les chiffres et les déclarations du député Frédéric Lefebvre sont au mieux inexacts, d’abord en ce qui concerne le nombre de Français à Miami. Si l’on croit M. Lefebvre, la communauté française à Miami doublera en moins d’un an, ce qui n’est pas le cas. Peut-être parlait-il des touristes ? 11 454 personnes étaient enregistrées au consulat en 2012 pour l’ensemble de la Floride, le nombre devrait être proche de 12 000 fin 2013 et de 5000 pour la ville de Miami. Le nombre de Français en Floride est estimé entre 30 000 et 40 000. En revanche, le nombre des Français de l’étranger dans l’ensemble du monde augmente en moyenne de 4% par an. Nos compatriotes sont environ 2,5 millions aujourd’hui.  Comme le reste de l’Europe, la France est touchée par la crise. Mais Je m’inscris en faux contre ceux qui disent que les jeunes Français font le choix de « l’exil fiscal », qui parlent de fuite, voire d’exode, sans manifestement mesurer toutes les connotations historiques du terme. Ces Français, dont le nombre a grandi de 50% en 10 ans partent avec la France au cœur. Ils partent, car ils savent que leur citoyenneté, leur culture et leurs savoirs sont de précieux atouts pour trouver leur place dans un monde en mouvement. Ils peuvent ensuite revenir en France riches de leurs expériences, devenir plus compétitif sur le marché du travail. C’est une valeur ajoutée pour leur carrière et pour la société qu’ils retrouvent.
LE C.D.F : Début octobre, un sondage (Institut Montaigne/ Harris) indiquait tout de même que 79% des étudiants des grandes écoles françaises envisageaient de partir à l’étranger, avec les USA comme destination première. N’est-ce pas révélateur ?   
H.C-M : Je suis étonnée que 100% de ces étudiants ne souhaitent pas tenter une expérience à l’étranger. Il est naturel que des étudiants diplômés souhaitent partir poussés par la curiosité, le désir d’apprendre une langue et une culture différentes, d’acquérir une expérience internationale nécessaire dans leur domaine de compétences. Mais une fois encore, ceux qui parlent de fuite des cerveaux donne une représentation faussée de l’expatriation, ce n’est pas celle qui existe dans l’imaginaire de nos concitoyens. Elle illustre, surtout, une grande méconnaissance de sa réalité et de ses motivations.  Des milliers de Français partent à la conquête du monde. La mobilité des Français est synonyme de gain de compétitivité pour la France. J’ai lancé une grande réflexion sur la mobilité avec les dirigeants d’entreprises et ai rencontré à plusieurs reprises leurs représentants (MEDEF, MEDEF International, CINDEX, Cercle Magellan, UCCIFE…). Je ferai un tour de France pour parler aux étudiants de ce sujet qui me tient à cœur et qui s’inscrit dans l’action du gouvernement pour favoriser la croissance et l’emploi chez les jeunes. Chaque Français à travers le monde délimite “les nouvelles frontières” de la France.
Propos recueillis
par Gwendal GAUTHIER

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