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De quoi le Métavers est le nom ? (Editorial du Courrier des Amériques)

Les articles du Courrier concernent souvent l’évolution de la société américaine et, bien évidemment, les espoirs commerciaux placés ces dernières années dans l’évolution du Métavers ne nous ont pas échappés. Les espoirs des joueurs de jeux vidéos non plus ! Mais ce n’est pas le seul avenir que Mark Zuckerberg, ses collègues associés au développement du Métavers, ni les mass médias, nous proposent aujourd’hui.

par Gwendal Gauthier, directeur du Courrier des Amériques.
par Gwendal Gauthier, directeur du Courrier des Amériques.

Time Magazine a placé ce sujet sur sa couverture au mois de juillet en promettant d’expliquer à ses lecteurs comment «Le Métavers va remodeler nos vies.» D’autres médias de tout premier plan ont embrayé, comme par exemple le journal télévisé de Lester Holt sur NBC.

Or, on a beau avoir lu le premier dossier, visualisé le deuxième et tenté d’en apprendre plus… Si on regarde la manière dont les mass médias décrivent le futur du Métavers… il ressemble surtout… aux mondes virtuels du passé ! Car ce n’est pas du tout une nouveauté : Second Life existe depuis 2003, Disney Infinity a été lancé en 2013 et a explosé en 2015, et il y a des univers de jeux comme Roblox ou Minecraft qui s’inscrivent aussi dans « l’infini ». Pour le moment, c’est d’ailleurs bien ce qu’est le Métavers : un ensemble de jeux vidéos. Bien sûr, les chercheurs continuent de faire progresser internet, et son interconnexion à vos cinq sens : aussi bien ce que vous voyez que ce que vous touchez (grâce à des gants ou des surfaces spéciales) va connaître de spectaculaires évolutions dans un avenir proche, il n’y a aucun doute là-dessus. Les jeux vidéos, aussi, vont progresser. Mais tout ça n’a pas vraiment de rapport avec le « Métavers », en tout cas tel qu’il est défini par tous comme un nouvel internet « n’ayant plus rien à voir avec le précédent » ou en tout cas n’ayant plus grand chose à voir avec le précédent. En décembre dernier Raja Koduri, vice-président senior de la société Intel, critiquait la situation actuelle, assurant qu’une « informatique véritablement persistante et immersive, à grande échelle et accessible par des milliards d’humains en temps réel, nécessitera encore plus : une efficacité de calcul multipliée par 1000 par rapport à l’état actuel. » Sa définition d’un « Métavers qui fonctionne » est un peu floue, mais il semblerait qu’il ait été entendu : durant les cinq mois suivants, les cinq premiers de 2022, la somme de 120 milliards de dollars a été investie dans le métavers par des société privées. Problème : apparemment pas un seul de ces dollars n’a été investi pour réussir à faire comprendre à Time, NBC (ou moi même) ce que le Métavers allait bien pouvoir apporter de différent à l’humanité.

J’avais décidé de vous écrire un article sur le sujet, mais je n’estime pas avoir en ma possession plus d’éléments concrets sur le Métavers que sur l’existence du Père Noël ni la pérennisation du Bitcoin. Alors, à défaut, voici un éditorial polémique !

Les problèmes du Métavers

Depuis longtemps, des « gamers » ont décidé de se couper du monde réel pour se reconnecter, avec des collègues, dans des univers virtuels. Pour la plupart, ça constitue une période de l’adolescence, et on peut bien en penser ce qu’on en veut. Pour les autres, qui restent sous le casque un peu plus longtemps, ça s’appelle « une maladie ». Une addiction néfaste. Alors, quel montant d’investissement pourrait bien nous pousser à nous couper du réel pour vivre, tout ou partie de notre vie, dans le virtuel ? On voit bien que ce n’est pas souhaitable, et on ne voit pas bien en quoi ça pourrait le devenir. Mais la maladie ou l’aliénation sociale ne sont pas spécialement mes craintes. Je ne pense pas du tout que ce genre de choses puissent transformer les internautes en « zombies connectés à la machine » (comme dans le film Matrix) ; et en tout cas pas plus que ne le fait actuellement la télévision. 

Non, si j’ai une crainte, c’est plutôt que certaines sociétés, comme Meta, continuent de transformer le monde médiatique à son profit, avec ses propres règles, et dans un intérêt public qui m’échappe. Facebook est – à mon sens – à imaginer comme une pièce vide. Le contenu qui y est injecté est produit par nous et par vous. Pas par Facebook, qui se contente d’injecter de la publicité dans la pièce que vous meublez. Facebook ne crée rien. Mais, nonobstant, les gouvernements, et beaucoup trop de citoyens, pensent que Facebook ne peut être que l’œuvre d’un génie. Je pense qu’il n’en est rien. Mais, puisque Facebook est « génial », en conséquence il est libre d’appliquer ses propres règles à notre liberté d’expression. Après différentes idées loufoques, par exemple dans le domaine des médias, Mark Zuckerberg s’est donc rebaptisé « Meta » et promet depuis lors la création d’un monde meilleur, inimaginable et génial, et le tout avec – il faut bien l’admettre – une belle communication : une très importante quantité de poudre aux yeux !

En février 2022, Lauren Jackson posait en conséquence la question dans le New-York Times : « Est-ce que le métavers est seulement du marketing ? » Elle y pointe à la fois que le Métavers est « bloqué pour atteindre (la bonne) échelle par un manque d’infrastructure matérielle et logicielle, une approche monopolistique du développement de la plate-forme et un manque de normes de gouvernance claires ».

Parlons du monopole. Aujourd’hui, « la Main Street de l’internet », c’est Google. Il s’agit depuis très longtemps de « l’avenue centrale » la plus empruntée sur le web ; la page où beaucoup vont en premier avant de s’orienter vers d’autres artères. Certes, Google est une société privée, qui place quelques pubs avant ses résultats de recherches mais, pour le reste (pour les résultats en question) Google a toujours conservé une avance technique sur ses concurrents. Les résultats de requêtes y sont meilleurs que les autres car ils obéissent à des algorithmes programmés pour, précisément, vous apporter les meilleurs résultats. Nul monde n’est parfait mais, dans un monde imparfait, Google s’en sort plutôt bien.

Devinez maintenant, pour comparaison, à quoi va ressembler « la main street d’internet » si elle devient en trois (ou cinq) dimensions, telle que Mark Zuckerberg la rêve. Il est à craindre qu’elle ressemble aux « Main Streets » de nos villes du monde réel, c’est à dire avec absolument partout les mêmes enseignes des mêmes entreprises et banques.

Facebook (mais aussi Google et les autres GAFAM) sont des monopoles, qui ne cessent de vouloir se renforcer, et de créer de nouveaux monopoles.

La liste des possibles problèmes est quasiment aussi infinie que ne l’est le Métavers. Mais, revenons à la question : Alors, le futur sera-t-il immersif ? Immergé ? Oui il le sera forcément un peu plus, vu que chaque jours les outils sont en train d’être créés à ces fins. Ce sera obligatoirement le cas pour certaines sciences, pour la médecine, pour la pornographie (qui représente 25% des pages lues sur internet), et bien évidemment pour les jeux vidéos et certaines autres expériences ludiques et commerciales.

Mais il ne faut peut-être pas se précipiter sur des solutions trop hâtives, et aller acheter pour Noël un « casque Zuck » à 400 balles qui ne vous servira que pendant trois jours. Peut-être le Métavers aura une utilité… mais moi j’attends qu’on me montre laquelle.

Comme disait déjà Pierre-Joseph Proudhon au XIXème siècle : « Nous avons exagéré le superflu, nous n’avons plus le nécessaire. » Sa conclusion était peut-être un peu exagérée pour son époque… gageons que ça ne devienne pas une certitude durant la nôtre !


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