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Nous entrons dans une nouvelle Guerre Froide (éditorial du Courrier des Amériques)

Pour vous dire vraiment ce que je pense : il ne m’a jamais paru plus difficile d’écrire objectivement sur un conflit que celui entre la Russie et l’Ukraine ; l’information étant constamment dénaturée par l’émotion et par une forte dose de désinformation. Je trouve ça dommageable.

par Gwendal Gauthier, directeur du Courrier des Amériques.
par Gwendal Gauthier, directeur du Courrier des Amériques.

Mon seul éditorial sur le sujet, le 1er mars 2022, était titré : « Le rideau de fer vient de retomber » et c’était à mon avis la principale information à développer de notre côté (américain) de l’Atlantique. Cinq jours après le début de l’offensive russe, je tenais ainsi à souligner que, si l’Occident n’était pas directement impliqué dans les opérations militaires, il était toutefois entré en conflit large et « irrémédiable » (au moins pour la décennie à venir) avec la Russie et que ce nouveau Rideau de Fer sonnait de facto la fin de la mondialisation. Qu’on le veuille ou non, une recomposition multipolaire est en cours, et les forces diplomatiques russes et chinoises (notamment) sont à l’offensive. Pour les francophiles, la face la plus visible de ces récents changements stratégiques c’est la déstabilisation de la France avec ses alliés africains. Mais tous les continents sont ébranlés d’une manière diplomatique ou économique ou les deux.

The Economist : America VS Chica
La couverture de The Economist du 1er avril 2023 : « C’est pire que ce que vous pensez »…

Comme prévu dans mon éditorial de mars 2022, les règles du jeu commercial ne sont plus les mêmes en fonction des continents. Les échanges internationaux se font toujours en dollars pour beaucoup de pays, mais les entorses à la règle sont de plus en plus nombreuses, et pas seulement pour la Russie. C’est ce que les anti-dollars appellent la « dédollarisation ». Même si elle advenait, elle ne serait certainement pas « globale » cette « dédollarisation », puisque – en cas de recomposition multipolaire – les Etats-Unis resteraient le pôle dominant d’une partie de la planète. Mais, c’est un fait, il y a du mouvement de ce côté-là aussi.

Enfin et surtout, si je parlais de « Rideau de Fer », c’était évidemment pour souligner l’imminence d’une nouvelle Guerre Froide (1) : l’un ne va pas sans l’autre. On peut dire qu’aujourd’hui on y est largement rentré dans cette Guerre Froide, d’une part face à la Russie, mais aussi très probablement déjà avec la Chine. En effet, si une « guerre réelle » me paraît improbable entre les Etats-Unis et la Chine, la Guerre Froide semble pour sa part de moins en moins évitable, confirmant ainsi la fin de la mondialisation : en effet, quelle mondialisation commerciale pourrait exister sans la Russie, la Chine, l’Iran, certains pays du Golfe et des dizaines d’autres pays suivant ceux que je viens de citer ? Les répercussions vont être colossales.

Mais, si certains ne sont pas totalement convaincus de la gravité dans laquelle se trouve la relation USA/Chine, je vais étayer un peu mon propos. La situation n’est d’ailleurs pas nouvelle : il convient de se rappeler que, déjà, Donald Trump avait mis des barrières douanières sur l’acier, visant clairement la Chine, et qu’il avait aussi tenté d’interdire le fabricant de téléphone Huawei contre lequel, aujourd’hui encore, l’administration Biden continue de lutter. 

Depuis l’été 2022, la Maison-Blanche a aussi interdit la vente à la Chine de ses semi-conducteurs haut de gamme, pour qu’ils ne soient pas copiés (ou revendus à la Russie). Si on peut se questionner sur l’efficacité que va avoir cette mesure-là, en tout cas il est évident qu’elle montre clairement un protectionnisme non-américain, et constitue une entorse grave à une économie de marché ouverte tel que les USA la prone depuis toujours. Pour être clair : les Etats-Unis sont prêts à faire de graves entorses au capitalisme, pour se protéger de la Chine. La mondialisation a donc bel et bien du plomb dans l’aile. Rappelons au passage que Taïwan est une île chinoise qui s’est séparée de la Chine et qui est défendue par les Etats-Unis. Or cette île produit plus de 60 % des semi-conducteurs dans le monde, mais surtout 90 % de toutes les micropuces les plus avancées. Le gouvernement chinois est donc sous la pression la plus extrême.

Après un remarquable atterrissage de Nancy Pelosi à Taïwan en août 2022, on a ensuite vu tour à tour la Chine être accusée d’espionner les Etats-Unis avec des ballons volants puis avec l’application TikTok. Et, tout à coup, elle s’est retrouvée pointée du doigt pour avoir « créé la Covid19 en laboratoire ». Le récent passage sur le grill au Congrès américain du président de TikTok a choqué l’opinion publique chinoise. 

Ainsi, il y a autant unanimité en Chine contre « l’ogre capitaliste » qu’aux Etats-Unis contre le « monstre communiste ». Sans aucun doute, la campagne électorale qui débute en Amérique exhibera une surenchère de mesures antichinoises au sein des deux grands partis qui se disputent la présidence.

Et, côté Chinois, le gouvernement ne peut ainsi rester passif vis-à-vis des positions américaines. Xi Jinping avance toutefois vers cette Guerre Froide à sa propre vitesse, ménageant les intérêts de son pays et laissant du temps aux négociations avec les uns et avec les autres. Pour le moment le temps joue en faveur de la Chine (2). Mais, quand on regarde la trajectoire prise depuis l’ère Trump dans les relations Sino-Américaines, le résultat semble bien être celui que j’ai écrit dans le titre de cet éditorial : nous entrons dans une nouvelle guerre froide.

Par ailleurs, et pour ne pas oublier le « côté chaud de la guerre », il me paraît important de souligner les dangers de contagion en Europe. Question : vu que le conflit est devenu difficile et long pour la Russie, peut-elle dorénavant arrêter ses troupes avant d’avoir pris des territoires suffisamment grands, une « zone tampon » qui l’emmènerait jusqu’à Odessa et à la Transnistrie ? Et que se passera-t-il si un conflit embrasait la Transnistrie, c’est à dire une région de la Moldavie (avant ou après l’arrivée des troupes russes) ?

La guerre froide, c’est une chose, mais pour le sujet de la « guerre chaude »… il serait bien qu’elle s’arrête rapidement.

Gwendal GAUTHIER

(1) Rappelons que la Guerre Froide comprend aussi de « vraies » guerres, les « guerres proxy » (ou guerres par procuration).

(2) Tant que la donne ne change pas, la Chine continue de se renforcer comme l’une des premières puissances économiques mondiales, et jusqu’à l’effondrement prévu de sa courbe démographique, qui vient tout juste de commencer.


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