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Pourquoi nous soutenons la loi canadienne C-18 obligeant Facebook et Google à payer les médias ou à ne plus accepter leurs articles

Facebook et Google menacent d’interdire la publication de contenus créés par les médias canadiens sur leurs plateformes si la loi C-18 est appliquée.

par Gwendal Gauthier, directeur du Courrier des Amériques.
par Gwendal Gauthier, directeur du Courrier des Amériques.

Cette loi est également nommée « Loi sur les nouvelles en ligne ». Le journal Le Courrier des Amériques pourrait peut-être également subir des conséquences de ces décisions en fonction des restrictions que les plateformes et réseaux pourraient mettre en place, puisqu’une grande partie de nos lecteurs sont (surtout durant l’été) au Canada. En effet, même si nous sommes basés aux Etats-Unis, est-ce que les Canadiens n’auront plus accès dans leurs réseaux sociaux à tous les articles/photos/vidéos/balados(podcasts) de tous les médias de la planète ? Ou bien seulement ceux des médias basés au Canada ? On peut penser que ce serait plutôt la première optionque choisiraient les réseaux sociaux (en cas contraire ils provoqueraient des guerres supplémentaires).

Qu’est-ce que la loi C-18

La Loi C-18 vise « à aider les entreprises de nouvelles à obtenir une indemnisation équitable lorsque leur contenu de nouvelles est rendu disponible par des intermédiaires de nouvelles numériques qui dominent le marché et que ces intermédiaires en tirent des avantages économiques. (…) Le régime de sanctions administratives pécuniaires mis en place par la Loi pourrait donner lieu à la possibilité de sanctions pécuniaires importantes »

La Loi C-18 est disponible ici

Le gouvernement canadien a jusqu’au mois de décembre pour définir les principes d’application de la nouvelle loi.

La société Meta (propriétaire de Facebook et Instagram) a répondu qu’en conséquence, « dans les mois prochains », elle n’autoriserait plus le partage de médias canadiens sur ses réseaux, de la même manière qu’elle l’avait fait en Australie. Google menace aussi d’interdire au Canada les nouvelles sur son moteur de recherches, et il supprimerait purement et simplement le service Google Actualités au Canada. Mais Google semble pour sa part plus intéressée que Facebook à négocier avec le gouvernement.

Beaucoup pensent que ces menaces sont proférées pour dissuader les autres pays de voter des lois similaires à celles du Canada ou de l’Australie, sachant que, par exemple, l’Union Européenne réfléchit constamment à la création de nouvelles lois pour le secteur du numérique.

Le premier ministre canadien Justin Trudeau a qualifié de « extrêmement décevant » le refus de discuter de Facebook.

Que penser de cette loi

Certains politiciens conservateurs du Canada critiquent la loi car elle « limiterait la liberté d’expression ». Pour notre part, ce que nous contestons c’est le vol de propriété intellectuelle. Il n’est pas possible de confondre la propriété intellectuelle (un article, une vidéo, une œuvre artistique) avec la « liberté d’expression ». Par exemple quand est née la photocopie, il y a immédiatement eu du « photocopillage », et c’est interdit par la loi. Comme le vol de musiques, de photographies etc…

Google de son côté, par un communiqué du 16 mai, assure que la loi va « rabaisser le niveau du journalisme », en forçant par exemple les réseaux sociaux et plateformes à financer des blogs, des spams et des sites faisant de la désinformation. Le risque est réel. Et ça obligerait d’une manière ou d’une autre à « réguler » les financements, et donc à donner un pouvoir supplémentaire au « régulateur » en question. Qui ? Les gouvernements décideraient quels médias seraient rémunérés ? Google déciderait ? Un organisme indépendant ? La question se pose. Et Google semble intéressé pour discuter de ce sujet afin de trouver la bonne solution.

 https://blog.google/intl/en-ca/our-concerns-with-bill-c-18-the-online-news-act/

Les plateformes apportent toutes des avantages et des inconvénients. Ainsi, la sélection d’articles proposés par Google est déjà un problème : pourquoi ceux-là sont mis en avant et pas les autres ? Cependant, il faut certainement considérer le comportement de Google avec les médias comme un kiosque à journaux : il vous montre ce qu’il a en stock et vous pouvez sortir de Google aussi facilement que d’un kiosque afin d’aller lire votre média ailleurs. C’est certainement possible d’améliorer le système, mais on ne voit pas trop de problème à cette organisation.

Facebook pose un autre problème qui nous semble bien plus important. Quand vous lisez un article ou une vidéo dans Facebook… vous êtes DANS Facebook. Vous n’êtes pas dans le média en question. Une fois terminé l’article vous pouvez continuer à errer dans Facebook, avec les pubs de Facebook etc… L’article que vous avez consommé l’a été à l’intérieur de Facebook. Et pas dans le média. 

Alors, cette sorte d’utilisation est très bien pour le confort immédiat de l’utilisateur de Facebook. Mais c’est nettement moins bien pour la rémunération du média et des journalistes, c’est à dire pour la qualité de l’info que l’utilisateur consomme. D’autant que, s’il n’y avait que de l’info de qualité sur les réseaux sociaux… ça se saurait !

Dans une déclaration le 18 mai sur le sujet de la loi C-18, le président des Affaires Globales de Meta (Nick Clegg), assurait que ce n’était pas Facebook qui bénéficiait du partage d’articles, mais au contraire les éditeurs. La déclaration est ici :

https://about.fb.com/news/2023/05/metas-position-on-canadas-online-news-act/

C’est totalement faux. Les éditeurs – dont nous faisons partie – sont obligés de partager leurs contenus sur les réseaux sociaux (depuis leur création) parce que les autres médias y sont. Les médias y perdent donc, globalement. Pire : afin de multiplier la visibilité de leurs articles, certains médias payent des sommes importantes à Facebook. Ce qui, là aussi, créée un déséquilibre, en fonction de l’argent versé, et pas en fonction de la qualité de l’information. Si un mauvais blog paye, alors il aura plus de visibilité que les autres.

Au final Facebook argue qu’il n’a pas besoin des médias, car « seuls 3% des contenus partagés sur le réseau sont produits par les médias ». Effectivement, dans ce cas Facebook devrait interdire complètement les publications de liens venant de médias, comme il menace de le faire avec le Canada (après l’Australie).

On verra bien si Facebook arrive ou pas à s’en passer. 

Mais le problème n’est pas que le partage de nouvelles ne représente « que 3% » sur Facebook. Le problème c’est que ces « 3% » sont essentiels pour financer les médias ! Que les articles soient vus dans un « environnement Facebook », avec les publicités imposées par le réseau social, pose donc un problème crucial. Les médias ne bénéficient pas de leur propre travail, et on peut aussi par extension préciser que cet argent gagné par Facebook sur le dos des journalistes Canadiens n’est… pas même réinvesti au Canada !

En attendant, le bras de fer se poursuit : le gouvernement fédéral canadien, tout comme celui du Québec, ont décidé d’arrêter leurs publicités sur Facebook.

Nous soutenons d’autant plus la loi C-18 que nous ne sommes pas un média basé au Canada : nous espérons qu’un projet similaire arrive aux Etats-Unis et ailleurs.

Notre journal, Le Courrier des Amériques, n’étant pas dans la catégorie des « mass média », nous soulignons qu’il n’est pas forcément intéressant de laisser les réseaux sociaux établir eux mêmes des partenariats commerciaux avec les médias, désignant qui peut être rémunéré et qui peut être pillé gratuitement.

On ajoutera les louvoiements équivoques de Facebook pour tout ce qui concerne les médias, les copyrights, la liberté d’expression ou la restriction des propos illégaux (diffamation, racisme etc…). Certes, depuis l’arrivée des réseaux sociaux, les gouvernements se défaussent souvent sur eux pour faire à la fois la police et la justice à leur place : traquer et censurer les contrevenants.

Alors, si Facebook ou d’autres réseaux venaient à interdire la publication de contenus fabriqués par les médias canadiens, australiens ou autres, ça ne nous semble pas constituer un problème. Ca n’empêcherait personne de partager les nouvelles, en citant par exemple sa source : « Allez lire ça sur tel média !» Les lecteurs arriveraient sans problème à retrouver le média en question. Peut-être qu’ils le retrouveraient grâce à Google ; mais il ne faut pas croire qu’avant l’existence des réseaux sociaux et de Google les lecteurs avaient du mal à trouver les médias ! Ainsi, en cas de séparation, chacun pourrait continuer sa route séparément, les réseaux sociaux d’une part et les médias de l’autre. Pas certain, toutefois, qu’on s’oriente vers un divorce à l’amiable…

Gwendal Gauthier

Publisher du journal

Le Courrier des Amériques


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