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Quand Bonaparte était un homme d’affaires de Philadelphie !

Le 20 août 1815, les soldats américains fouillèrent à trois reprises le brick « Le Commerce », provenant de France, qui venait d’arriver dans le port de Brooklyn (New-York). Ils laissèrent toutefois débarquer un certain M. Bouchard, et… ils n’auraient pas dû. Ce qu’ils cherchaient à éviter, c’est que prennent pied en Amérique certaines personnes mêlées de près ou de loin aux cataclysmes politiques et militaires qui frappaient l’Europe. Or M. Bouchard, ce n’était pas son vrai nom. Sur le quai de New-York, ce « clandos’ » français qui s’éloignait avec des malles remplies de bijoux volés à la couronne espagnole était l’incarnation de la plus vive fureur qui venait de frapper l’Europe. Vous l’avez reconnu, vous qui êtes allé à l’école, sur cette peinture ci-dessus réalisée aux Etats-Unis ? Non, ce n’est pas lui ! Et, si ce n’est pas lui, c’est donc son frère : Son Altesse Impériale le Prince Joseph Bonaparte !

Joseph Bonaparte, roi d'Espagne, par François Gérard.
Joseph Bonaparte, roi d’Espagne, par François Gérard.

L’aîné des frères Bonaparte était né à Corte (Corse) en 1768. Il fut avocat dans son île, avant d’être appelé par son frère pour le seconder dans ses aventures. Moins téméraire que Napoléon et beaucoup plus mondain, Joseph Bonaparte est considéré comme ayant été souvent le « souffre douleur » de l’empereur, mais toujours, parallèlement, son meilleur et seul ami dévoué. L’homme que les Américains viennent de laisser entrer incognito sur leur territoire n’a que 47 ans, mais il est, après son frère, l’homme le plus célèbre de la planète, après avoir été chef de trois Etats : roi de Naples (1806-1808), roi d’Espagne (1808-1813) et enfin président du Conseil des Ministres français en 1815 (même si c’était l’Empereur, parti en campagne militaire, qui gardait alors le pouvoir suprême). Et Joseph était toujours président en France deux mois avant d’arriver à New-York ! Que s’est-il passé entre temps, pour que le président devienne un clandestin ? L’écrasante défaite des armées françaises à Waterloo le 18 juin, entraînant la seconde abdication de Napoléon le 22 juin, et sa fuite avec son frère Joseph vers la côte atlantique de la France. Les deux hommes avaient souvent rêvé d’Amérique par le passé, et savaient qu’ils pourraient y avoir une nouvelle vie. Joseph y avait même investi de l’argent récemment. Pour s’y rendre, deux frégates sont à leur disposition au large de La Rochelle, mais les autorités ne délivrent pas de passeport aux frères corses. Il leur est proposé de monter à bord en se cachant dans des tonneaux, mais Napoléon refuse de se prêter à ce jeu-là : l’empereur ne peut terminer ainsi. C’est ainsi la dernière fois qu’ils sont ensemble tous les deux avec son frère : l’Empereur se rend aux Anglais alors que Joseph arrive à monter à bord de ce brick dans le port de Royan, dans la nuit du 24 au 25 juillet, en compagnie de son aide de camp espagnol Unzaga, de son cuisinier François Parrot, de son secrétaire Louis Maillard et d’un jeune interprète, James Carret.

BONAPARTE EN AMERIQUE

On remet ici dans son intégralité cette peinture car c'est la seule en notre possession de Joseph Bonaparte peinte à Point Breeze.
On remet ici dans son intégralité cette peinture car c’est l’une des seules que nous ayons  de Joseph Bonaparte qui ait été peinte à Point Breeze, exactement le 2 février 1832, par Innocent-Louis Goubaud

Après vingt-six jours de voyage, le navire débarque dans le port de Brooklyn le 20 août. L’un des titres que Joseph Bonaparte apporte avec lui n’est pas pour inquiéter les Américains, bien au contraire, mais il complète son portrait : Joseph Bonaparte est toujours Grand Maître du Grand Orient de France (Franc-Maçonnerie), poste qu’il occupe depuis 1804 (et dont il a refusé de démissionner jusqu’à son décès).

Discret et sous pseudonyme sur le territoire Américain, il se fait toutefois rapidement accorder l’hospitalité par le président James Madison, mais qui refuse de recevoir Bonaparte. Aussi bien les renseignements américains que ceux de l’ambassadeur de France aux USA surveillent avec inquiétude ce nouveau venu. Car des complot s’organisent afin de libérer l’empereur emprisonné par les Britanniques (durant les six dernières années de sa vie) sur l’île Saint Helen, située en Atlantique Sud, à 1900 kilomètres des côtes africaines de l’Angola. Les Français s’agitent, par exemple en Louisiane où se sont exilés plusieurs anciens officiers de l’Empire. Aujourd’hui encore, à La Nouvelle-Orléans on vous montre la chambre que le maire, Nicolas Girod, avait installé pour accueillir Napoléon après sa fuite (hypothétique) de Saint Helen. Et tout le monde se dit alors que, si un commando est lancé pour le libérer, alors son frère Joseph ne peut pas être totalement étranger à une telle aventure et/ou à son financement.

Cette peinture de Point Breeze a été réalisée par Charles B. Lawrence entre 1817 et 1820.
Cette peinture de Point Breeze a été réalisée par Charles B. Lawrence entre 1817 et 1820. Elle est désormais au Art Institute of Chicago.

Pourtant, à ce qu’en savent les historiens, il n’y a aucun indice pour dire que Joseph fut mêlé aux complots. Il refusera même en 1820 le titre « d’empereur du Mexique », alors que le pays est sur le point de gagner son indépendance (ce sera d’ailleurs le cas dès 1821). Joseph vit sa vie américaine en acquérant la  luxueuse propriété de Point Breeze, à Bordentown dans le New Jersey, sur les rives du Delaware (un peu plus près de Philadelphie que de New-York). Joseph Bonaparte achète des terres pour agrandir son domaine : d’une surface initiale de 85 hectares, il atteint 720 hectares quinze ans plus tard. D’importantes sommes sont affectées à sa décoration : on y trouve le célèbre tableau de Jacques-Louis David représentant Napoléon Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard, au point que certains hôtes de passage, comme la libre-penseuse Frances Wright, considèrent sa résidence comme la plus belle maison du pays. Au total, la collection de Joseph Bonaparte à Point Breeze s’élève à plus de 150 tableaux des grands maîtres flamands ou italiens, ainsi qu’une bibliothèque de 8 000 livres. Le 4 janvier 1820, un violent incendie ravage le bâtiment, mais grâce au dévouement de son personnel de maison et de son voisinage, de nombreuses pièces de mobiliers ou de décoration vont être sauvées. L’ex-roi d’Espagne écrit : « Tout ce qui n’a pas été consumé a été très scrupuleusement remis entre les mains des gens de ma maison. Dans la nuit de l’incendie et le lendemain, des ouvriers m’ont apporté des tiroirs dans lesquels j’ai trouvé la quantité voulue de pièces de monnaie, des médailles d’or et des bijoux précieux qui auraient pu être pris en toute impunité. Cet événement m’a prouvé combien les habitants de Bordentown apprécient l’intérêt que j’ai toujours eu pour eux ; et montre que les hommes en général sont bons… »

Joseph Bonaparte fait immédiatement reconstruire une demeure en agrandissant ses proportions, et aménage un parc inspiré de celui de sa propriété de Mortefontaine, en France.

Comme il l’a fait partout où il est passé, Bonaparte se recrée aussi une cour qui lui permet de redevenir influent : on croisera chez lui le président John Quincy Adams, son secrétaire d’Etat Henry Clay ou encore le marquis de La Fayette.

Joseph Bonaparte durant son séjour aux Etats-Unis, par Karl Girardet.
Joseph Bonaparte durant son séjour aux Etats-Unis, par Karl Girardet.

Durant l’été 1825, le scientifique Reuben Haines III décrit ainsi Point Breeze, dans une lettre à son cousin : « J’ai pris part à un repas royal en argent massif et assisté de six serveurs qui m’ont fourni 9 plats des mets les plus délicieux, dont beaucoup dont je ne pouvais pas dire de quoi ils étaient composés ; passé le temps intermédiaire dans les pièces privées de Charles à regarder l’herbier et les portfolios de la princesse, ou chevauchant avec elle et le prince tirés par deux chevaux élégants le long des routes toujours variées du parc au milieu de splendides rhododendrons au bord du lac artificiel sur la surface lisse duquel glissaient doucement les majestueux cygnes européens. S’arrêter pour visiter la volière animée par les plus beaux faisans anglais, passer par des alcôves ornées de statues et de bustes en marbre de Paros, notre parcours animé par les pas du cerf apprivoisé et le vol de la bécasse, puis à la descente s’arrêter pour admirer la gracieuse forme de deux splendides vases étrusques de porphyre de 3 pieds de haut et 2 de diamètre présentés par la reine de Suède, ou allant à travers les différents appartements du manoir à travers une suite de chambres de 15 pieds de hauteur décorées avec les plus belles productions des crayons de Coregeo ! Titien ! Rubens ! Vandyke ! Vernet ! Tenniers et Paul Potter et une bibliothèque des livres les plus splendides que j’aie jamais vus.« 

La vente de ses biens en France et ses activités d’homme d’affaires lui ont permis d’amasser une imposante fortune. Il investit aux Etats-Unis dans une société de chemin de fer, et fonde avec l’ancien officier d’état-major Félix Lacoste un journal francophone, Le Courrier des États-Unis, qui compte jusqu’à 11 000 abonnés (et est ainsi un peu l’ancêtre du Courrier des Amériques !).

Et au niveau familial ? Il fonde une autre « famille parallèle ». En effet, sa femme, Julie Clary, ex-reine de Naples et d’Espagne, originaire de Marseille, est restée en Europe. Ensemble ils avaient eu trois filles. Il en a eu deux autres avec une comtesse espagnole. Et il aura deux autres filles américaines, Pauline Anne et Catherine Charlotte (1), toutes deux nées dans la propriété de Point Breeze suite à la relation de Joseph avec sa maîtresse Annette Savage, aussi connue sous le nom de « Madame de la Folie ».

S’il ne fait pas de politique aux Etats-Unis, Joseph Bonaparte n’oubliera cependant pas ses « obligations ». Toujours frappé par la loi d’exil en France, quand son frère Napoléon II tomba malade, Joseph s’embarque alors en 1932 pour le rejoindre en Angleterre, où il tentera de faire abroger cette loi d’exil ; laissant d’autres membres de sa famille lutter pour un rétablissement de l’Empire. Il reviendra aux Etats-Unis pour une dernière période de quatre ans, entre la fin des années 1835 et 1939. Il sera donc, en tout, resté 24 ans aux Etats-Unis.

Après un passage par Londres, Joseph arrive finalement à rejoindre sa femme, July Clary, à Florence en 1840. Il meurt le 28 juillet 1844 et, après avoir été enterré en Italie, dix-huit ans plus tard son corps sera transféré aux Invalides, à Paris, afin d’être rassemblé avec son inséparable et terrible frère, trônant tous deux encore aujourd’hui, même dans la mort, dans des sarcophages placés très haut au dessus des simples mortels.

La maison du jardinier "The Louis Maillard House" de Point Breeze est toujours là.
La maison du jardinier « The Louis Maillard House » de Point Breeze est toujours là. Crédit photo : Zeete – Own work, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=99279998

Le domaine de Point Breeze n’a pas été bien préservé, mais on peut encore voir de nos jours la maison du jardinier, un pont construit par Bonaparte et, vestige historique s’il en est : un tunnel construit par le roi d’Espagne pour s’échapper si on était venu l’arrêter aux USA : il aura en effet toujours été spécialiste des retraites !

Aujourd’hui, le musée de la Société Historique de Bordentown présente des collections ayant appartenues à Joseph Bonaparte : www.bordentownhistory.org

Le Lac Bonaparte, dans l’Etat de New-York, non loin de la frontière ontarienne, a été nommée en l’honneur de Joseph.


1 – Catherine Charlotte épousa plus tard le colonel Zebulon Benton et, ainsi, les Bonaparte ont eu des descendants américains qui se nomment Benton, le dernier connu sur Google étant le « Prince Frederick Joseph Benton II » né dans les années 1950.


L’emplacement de Point Breeze était exactement ici sur la carte Google :


Vidéo en anglais :


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