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Avec Tyler Childers, la country prend un sombre coup de blues

Il fut un temps où toutes les chansons parlaient d’amour. Il fallut attendre l’avénement de Bob Dylan dans les années 1960 pour casser cette routine. Et puis elle est revenue dans à peu près tous les genres musicaux (à part le rap) ; notamment dans la country. Comme Tyler Childers le déclarait lui même dans une interview au Guardian en 2019 à propos de Nashville: “ça n’a pas de sens de déménager dans une des villes de la nation qui se développe le plus pour s’assoir dans une pièce avec douze personnes et écrire une chanson country. Ils écrivent tous à propos de « l’endroit au bout de la route », mais maintenant c’est quoi cet endroit ?”  Childers aurait pu rajouter entre autres critiques que ces platitudes pop qu’on enregistre à Nash’ sont toutes à la gloire d’une fille qui porte invariablement le même et très original prénom : « girl » !

Oh, ce n’est pas la première fois qu’un chanteur country vient gâcher la fête des ritournelles : Johnny Cash lui même a eu ses périodes sombres ; ce n’est pas pour rien qu’ils s’appréciaient avec Dylan : une vraie « amicale des chanteurs qui ont du mal à sourire » ! Alors, il y en a d’autres qui refusent d’être trop pop, comme par exemple l’hypnotique Jamey Johnson. Mais Tyler Childers est unique ; « disruptif » comme on dit de nos jours. Des chanteurs qui essayent de comprendre le monde autour d’eux, chaque époque en compte assez peu. Certes, quand on conte le labeur des mines du Kentucky, on a plus de mal à atteindre l’universel qu’avec les textes de Dylan auxquels des générations se sont identifiées dans tous les pays du monde. Encore que… L’Amérique-à-problèmes, elle n’est pas confinée qu’au Kentucky, ni même au Sud. Et puis le style musical plaît toujours : 40% des Américains aiment la country. Justement, Tyler Childers est assez « roots » : en 2020 (année du meurtre de George Floyd par des policiers) il a même enregistré un album complet de reprises de morceaux traditionnels très orienté « violon » avec le groupe qui l’accompagne, et dont le nom, là aussi, est assez peu réjouissant : The Food Stamps (« les coupons de nourriture »). Vous avez dit « social » ?!!! Cet album là est nommé « Long Violent History » et il se termine par la chanson éponyme qui traite du racisme, des troubles civils et de la brutalité policière. Childers publie un message vidéo pour accompagner la chanson appelant avant tout à l’empathie. La vidéo révèle également que 100% des bénéfices de l’album seront utilisés pour soutenir les communautés mal desservies de la région des Appalaches, par le biais du Hickman Holler Appalachian Relief Fund de Childers.

En 2011, quand Childers a débuté, c’était encore un peu précoce pour écouter un chanteur qui ne sourit pas et vous parle de misère. On voulait alors continuer de rêver aux années Reagan-Clinton. Mais l’Amérique a entre temps changé d’époque alors que plus nombreux devenaient ceux qui se reconnaissaient dans les paroles et dans le style de Tyler Childers. Il met sa voix, assez unique, au service des messages qu’il veut faire passer et à la gloire de son style de musique local. Il n’est pas là pour faire le beau avec de larges chapeaux.

Certes, l’Amérique n’en est pas à son premier rebelle. Mais Childers ne ressemble pas – ou pas complètement – à un « mutin de Panurge » (1) – comme le pays en fabrique de manière industrielle – et autres Axl Rose (2) ! 

Comme dit précédemment, écrire des chansons, comme “Silverado For Sale” qui raconte l’histoire d’un gars obligé de vendre son pick-up pour payer une bague à sa copine… ça passera pas forcément à la postérité universelle. Mais on ne sait jamais. En s’intéressant – lui aussi – à une mine de charbon dans le nord de la France, Emile Zola a bien réussi à produire son chef d’œuvre, Les Misérables. En demandant simplement à ce qu’un homme soit appelé « un homme », Dylan a aidé à abattre la ségrégation.

Comme Bobby Dylan, et contrairement à bien d’autres chanteurs country, en n’étant pas formaté à un camp politique Tyler Childers est déjà un peu sur la voie de l’universel. Nous on l’aime bien et on tenait à le dire : avec son groupe ils font de magnifiques concerts et mettent la musique américaine sur de nouveaux rails !


1 – Expression empruntée à Philippe Muray !

2 – Le chanteur de Guns and Roses a été jusqu’à publier des Tweets insultants afin d’exiger que les gens soient enfermés chez eux (durant la covid) : une drôle de rébellion !!!!


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