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La Colonie Assassinée (suite de notre roman historique « Terre d’Espérance » sur l’arrivée des Français en Floride)

« La Colonie Assassinée » c’est le titre de la 17ème partie de notre roman historique « Terre d’Espérance », sur les huguenots français partis à la conquête de la Floride.


La 1ère partie de cette histoire est ici !

La 16ème (celle d’avant) est ici

La 18ème (la suivante) est ici


Jean-Paul Guis
Un texte original de Jean-Paul Guis, romancier historique

Luttant contre les trombes d’eau qui tombaient du ciel, une vingtaine d’hommes équipés de haches se frayaient péniblement un passage à travers une forêt luxuriante qui paraissait s’étendre à l’infini. Ces bucherons improvisés étaient des Biscayens qui avaient quitté leur lointain Pays Basque pour se retrouver dans ce combat sans merci contre les éléments et l’enfer vert des marécages de Floride. Immédiatement derrière, suivait un personnage qui gardait la tête haute malgré la violence de la tempête. Ses yeux d’un noir profond, réduits à deux minuscules fentes démesurément étirées, essayaient de percer le rideau de pluie qui écrasait les alentours. Pedro de Menéndez de Avila, adelantado héréditaire de Floride, tentait en vain de s’orienter au milieu de ce déluge. Il ne parvenait pas comprendre comment ses guides indiens pouvaient maintenir le cap en direction de la forteresse française, but ultime de cette odyssée inhumaine. Néanmoins, il n’avait d’autre alternative que de leur faire confiance. Malgré les fatigues et les épreuves, les 500 soldats qu’il entrainait dans son sillage allaient devoir monter à l’assaut dès leur arrivée à destination. Pour être certain d’une victoire rapide, la surprise devait être totale. Faute de temps et de moyens, un siège en règle était hors de question.

Environ une semaine auparavant, une flotte française en provenance de la Caroline était apparue en vue du camp espagnol dont les fortifications étaient encore inachevées. A la vue de cette armada et devinant les troupes importantes qu’elle devait transporter, Menéndez savait qu’il n’était pas en état de résister. C’est alors qu’un ouragan providentiel avait subitement fait son apparition, dispersant les navires comme de vulgaires fétus de paille. Horrifiés, les natifs de la région lui avaient déclaré que de mémoire d’homme, personne n’avait gardé le souvenir d’une pareille tempête. Prompt à tirer parti de l’éparpillement des troupes françaises et de la destruction quasi-certaine de leurs vaisseaux, l’adelantado s’était mis en marche en direction de Fort Caroline.  À la tête d’une colonne nombreuse, il avait toutes les chances d’enlever la forteresse qui ne s’attendrait sûrement pas à une attaque en règle au milieu d’un tel déluge.

*

Ecrasé par une pluie torrentielle, la face battue par les vents, le jeune trompette observait avec lassitude la limite du rideau des arbres où venait s’évanouir la forêt en bordure de Fort Caroline. Son regard se porta ensuite machinalement sur un petit mamelon dénudé qui surplombait la masse opaque des frondaisons. Frappé de stupeur, il lui sembla apercevoir le corps d’un serpent géant aux écailles métalliques qui glissait sur les pentes de la montagnette pour disparaitre plus bas dans la végétation luxuriante. Se croyant victime d’une hallucination, il mit la main en visière au-dessus des yeux afin d’atténuer l’aveuglement provoqué par l’averse. Son sang ne fit qu’un tour quand il réalisa qu’il s’agissait en fait d’une troupe arborant casques et cuirasses et qui malgré les intempéries marchait d’un pas décidé en direction de la forteresse. Le trompette comprit immédiatement que les Espagnols venaient de lancer l’attaque tant redoutée par ses officiers !

René de Laudonnière sursauta violemment en entendant des cris d’alarme perçants en provenance des remparts. Malgré son état d’extrême fatigue causé par la fièvre, l’épée au poing et une rondelle (petit bouclier circulaire) fixée sur l’avant-bras gauche, il sortit précipitamment sur la place d’armes. Arrivé au centre, il se mit à crier afin de rameuter ses troupes dont la plupart dormaient encore. Par malchance, au levé du jour, le seigneur de La Vigne avait renvoyé à leurs quartiers tous les piquets de garde. Pris de compassion pour ses hommes qui croulaient sous la pluie incessante, l’officier ne s’attendait plus à une attaque des Espagnols par un temps pareil.

Un petit groupe de soldats français s’élança vaillamment vers la brèche dans le rempart côté sud qui n’avait toujours pas été remis en état. Submergés par le nombre des attaquants, ils furent rapidement taillés en pièces et massacrés jusqu’au dernier. Laudonnière qui de loin avait assisté à ce combat désespéré réalisa que les Espagnols n’allaient pas faire de quartier. Tournant son regard vers l’ouest, il vit un autre groupe d’assaillants pénétrer par une trouée dans l’enceinte et anéantir toute résistance. L’espace d’un éclair, le capitaine regretta amèrement de ne pas avoir disposé de suffisamment de main-d’œuvre  pour colmater les portions de parapet qui avaient été démantelées en vue de leur retour en France. L’arrivée de Jean Ribault avait tout changé. Ce dernier avait jugé opportun d’attaquer les Castillans sans tarder en mobilisant tous les hommes valides, y compris la garnison de Fort Caroline. L’heure était venue de payer le prix de ces choix. Le chef huguenot avait tenté sa chance et il avait tout perdu, car il ne faisait plus aucun doute que la flotte française avait été détruite dans l’ouragan. L’adelantado était le grand vainqueur de cette savante partie d’échecs. Le destin de la Floride venait de changer de main et surtout de maître ! L’avenir d’une présence française dans cet endroit du monde était désormais réduit à néant.

Fort Caroline en Floride

René de Laudonnière fut brusquement tiré de ses pensées par l’assaut de toute une troupe. À leur tête, il reconnut un nommé François Jean. Un des mutins qui avaient été capturés par les Espagnols et emprisonnés à Cuba. En échange de sa liberté, Menéndez l’avait emmené avec lui pour utiliser sa connaissance des lieux et aussi servir d’interprète.

– C’est lui le capitaine ! s’écria François Jean en apercevant Laudonnière.

Ce dernier eut juste le temps de parer un coup de pique avec son petit bouclier avant de tourner les talons et de chercher son salut dans la fuite. La partie était devenue trop inégale, tout était perdu ! Grâce à sa connaissance des lieux, le fugitif parvint à distancer ses poursuivants. Quand il se retrouva hors du fort, un seul homme restait à ses côtés, un dénommé Barthélemy, arquebusier de son état.

Pendant ce temps, les assaillants avaient commencé le massacre en règle de la colonie. Tous les malades et blessés qui se trouvaient à l’hôpital furent systématiquement passés au fil de l’épée. Quant aux combattants capturés les armes à la main, ils étaient exécutés séance tenante. Menéndez arriva juste à temps pour arrêter la tuerie des femmes et des enfants de moins de quinze ans. À bout de nerfs suite à leur marche apocalyptique dans les marais, enivrés par le gout du sang et leur haine des huguenots, les soldats espagnols étaient soudain devenus des monstres. L’adelantado eut toute les peines du monde à mettre un terme à cette atmosphère de nuit des Walpurgis.

*

René de Laudonnière avait réussi à atteindre les bois où il y retrouva une poignée d’hommes ayant pu échapper au carnage. Parmi eux, l’artiste Jacques Le Moyne de Morgues, assez grièvement blessé à la jambe. Dans sa fuite, il avait été forcé d’abandonner tous ses précieux croquis et peintures qu’il parviendra néanmoins à redessiner de mémoire des années plus tard.

Les rescapés formèrent un demi-cercle autour de Laudonnière et attendirent les ordres qui devaient leur sauver la vie.

– Je sais que ça va être dur, commença le capitaine, mais il ne nous reste pas d’autre solution que de traverser le marais afin de rejoindre ceux de nos navires qui se trouvent encore à l’embouchure de la rivière.

Sans un mot, tout le monde se mit en marche derrière le chef. Ce 20 septembre 1565 marquait un terme à la brève existence de Fort Caroline.

À suivre


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